Gueule de bois.
Le retour à Morkestaad de la Coupe du Monde de Blood Bowl n'avait pas été sans difficultés pour les Vikings. Traverser le Vieux Monde en direction de Luccini plein d'espoir, pour aller affronter les meilleures équipes était une chose. Revenir avec un bilan négatif (1 victoire, 6 nuls, et 2 défaites) en était une autre.
Construite à partir de rien, la franchise des Morkestaad Vikings avait tellement rencontré de succès dans la ville et en Norsca qu'une autre franchise s'y était implanté, avec pour sa part un succès mitigé, certes. Sur le plan sportif, le bilan en huit saisons était plutôt flatteur: un titre en Carlsbork, et surtout, en 2515, le titre suprême de la Cabalvision. Cette saison, il y a quelques semaines encore, le moral était au beau fixe. L'équipe déployait un jeu absolument sans faille, et bénéficiait du soutien total de Nuffle. Les choses ont commencé à se gripper en championnat, et dans de sombres échoppes, où le coach Lars Envengger avait l'habitude de parier une partie de la trésorerie de l'équipe. Une défaite, une élimination en Coupe de la Ligue, un parfum de scandale financier... Toutes les conditions étaient réunies pour que la Coupe du Monde soit un désastre.
Le message de Nuffle apparaissait avec du recul clair: déjà il y a quelques mois, aligner une équipe bis au Melting Bowl, composée pour l'essentiel d'un minotaure, d'un troll, d'un ogre, d'un mercenaire elfe noire et d'un ramassis de vikings avinés, avait failli porter ses fruits avec une troisième place finale, à égalité avec le gagnant du tournoi. A tel point que Lars Envengger avait fortement hésité avant d'envoyer l'équipe une... Amer pressentiment.
Durant la Coupe du Monde, à aucun moment, l'équipe n'a pu se reposer sur un jeu lui permettant de dérouler. Beaucoup de matches nuls ont été le résultat d'un manque d'entrain, de gestes techniques de blocage, de sprints, peu maîtrisés. Le dernier match notamment en est l'illustration, Adrian Peterson puis Aron Ragnvald s'y reprenant chacun à deux fois pour essayer de se mettre à l'abri d'un blitz... Sans y arriver!
Sur le chemin du retour, l'ambiance avait été comme on peut l'imaginer on ne peut plus pesante. Des rumeurs relatives à Aegir, le Yéti, circulait à chaque arrêt de l'équipe. Et l'arrivée à Morkestaad fut du même tonneau. Les regards hostiles de la foule, des médias omniprésents, distillant régulièrement leur venin dans les feuilles de chou locales... Le coach allait-il rester à la tête de l'équipe? Le centre d'entraînement avait été pris pour cible, et un début d'incendie avait été fort heureusement rapidement jugulé. La nature criminelle de l'acte semblait évidente.
La saison précédente, tout juste promue en Carlsbork, l'équipe s'était déjà effondrée en fin de championnat, obérant ainsi ses minces chances de montée en Délirium Tremens. La défaite contre les Grizzlys, l'autre franchise de la ville avait été fort mal perçue. Cette saison, depuis le début du championnat, les Vikings avaient fait honneur à leur rang, en alignant les succès. Mais à l'aube du match contre les Danseurs importantissime, la colère grondait à Morkestaad. Il n'était même pas sûr qu'un titre en Carlsbork puisse effacer l'humiliation subie par la ville à la Coupe du Monde. De sombres jours à venir pour Lars Envengger se profilaient, à n'en pas douter.
This is the end...
La révolte grondait toujours à Morkestaad. Une victoire 2-0 contre les Danseurs d’Ankh Morporkh lors de la dernière journée de la division, un match complètement maîtrisé, avec des touchdowns et des baffes en nombre, logiquement, le peuple de la cité nordique aurait dû être content. Seulement voilà, en huit saisons de Cabalvision, Morkestaad s'était pris au jeu, et un titre supplémentaire en Carlsbork ne suffirait pas à laver l'infamie de la Coupe du Monde. Pis, les espions du jarl avaient fait remonter rapidement à la sortie du stade, des rumeurs selon lesquelles le match avait sans doute été acheté, ou les joueurs elfes sylvains drogués. Et le fait est, que le comportement étrange des Danseurs de Guerre, se couchant à la moindre occasion, pouvait prêter le flanc aux rumeurs les plus folles. Dans une cité aussi sensible à l’honneur des siens, une telle infamie ne pouvait être tolérée.
Cette situation ne faisait pas les affaires de Lars Envengger. Il avait rempli les objectifs du début de saison, monter en Délirium Tremens, et même au-delà puisqu’il avait rapporté le troisième titre en huit saisons d’existence dans la jeune franchise. La performance en Carlsbork n'était pas assurée au regard de la composition de la poule. Mais le forfait de Green, une équipe particulièrement brutale d’Orques, des performances inexpliquées des Dirty Sharks, et de YouKhorn, en termes de baffes, avait sensiblement allégé le bilan triomphal des Vikings. Et l’on sait que dans les contrées du Nord, à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.
Pas assez de blessés, pas assez de morts, une chance insolente en début de saison, une baisse drastique de performance inexpliquée au cours de celle-ci, le cocktail était réunie pour que la saison de la rédemption en Carlsbork, après une saison 2518 terminée en queue de poisson, et la défaite honteuse dans le derby de Morkestaad, ne s’inscrive pas dans les annales du club. Si l’élimination au premier tour de la Coupe de la Ligue n’avait surpris personne en ville (une longue tradition de l’équipe), c’était vraiment la performance de l’équipe en Coupe du Monde qui cristallisait les rancoeurs. Avec une seule victoire au compteur en neuf matches, les Vikes avaient manqué à toutes leurs obligations. Lars Envengger avait pourtant brillé lors de la première édition de la World Cup, mais avec une autre équipe, venant celle-ci de la lointaine Albion. Il n’avait aucune explication à donner pour expliquer le manque d’entrain de ses joueurs, et c’est bien ce qui lui était reproché.
Des jets de pierre se produisaient quotidiennement à proximité des arènes de la ville où s’entraînait l’équipe, et le début d’incendie du centre d’entraînement avait ajouté à la confusion régnant en ville. Seule l’imminence d’un match-clé contre les Elfes Sylvains coachés par Rincevent avait sans doute permis de maintenir un semblant de paix civile au sein de la cité. Ce match passé, dans les conditions que l’on vient d’évoquer, toute retenue n’était plus de mise ; La cité frémissait littéralement de colère, et on craignait dans l’entourage du jarl un soulèvement populaire qui serait difficile à endiguer.
Plongé dans ses réflexions, Lars Envengger n’entendit pas immédiatement le brouhaha environnant. Le bruit d’une foule grondante, se faisait cependant plus pressant. La lourde porte en bois de la pièce qui lui était dévolu dans les arènes de la ville vola en éclats, fracassée par des fans en colère. Les tentatives du coach de justifier ses résultats ne parvinrent qu’à exciter plus les nordiques, qui immobilisèrent avec moultes vociférations le coach nordique au sol. Lars Envengger eût à peine le temps de distinguer le corps inanimé d’Adrian Peterson, également au sol, que traînait derrière lui une espèce de géant hirsute, comme une peluche désarticulé.
La dernière chose que perçut clairement le coach nordique fut une silhouette d’un fan de l’équipe, prêt à abaisser sur lui une massue énorme. Une douleur immense, et le noir se fit. Clap de fin.
Dernière édition par Lars Envengger le Dim 6 Déc - 20:24, édité 4 fois