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Dans ce matin brumeux, le convoi s’immobilisa sur ce chemin chaotique qui l’avait mené jusqu’aux terres isolées de l’Empire. Une chariote mal fagotée fermait la caravane qui comptait trois autres chariots tout aussi branle ballants et une voiture plus distinguée. Deux cavaliers ouvraient la route.
Les cochers emmitouflés dans leurs gabardines écarlates avaient stoppé les attelages non loin d’une chaumière dont la cheminée laissait échapper une fumée naissante qui marquait le point du jour.
L’un des cavaliers mît pied à terre et se dirigea vers l’habitation encore endormie. Le muret franchi, il bifurquât en direction de la grange d’où un homme les avait observés depuis leur arrivée. Après un bref échange verbal, le cavalier se retourna vers son comparse et leva le bras pour l’inviter à le rejoindre.
Il s’exécuta. Calé sur sa scelle il surplombait le paysan avec lequel il entama une conversation. Après une dizaine de minutes, le cavalier sortit de sa capeline une bourse remplie de couronnes et entérina la négociation. Le métayer se rendît sur le sentier et désigna l’extrémité d’un champ où des chênes millénaires marquaient la lisière d’une immense futée.
Sans plus attendre, le convoi reprît sa route vers ces gardiens feuillus. Partis en précurseurs, les deux cavaliers atteignaient les ruines d’une bâtisse ornée de colonnes. Le négociateur s’engagea sur le parvis du vieux temple où il inspecta les moindres recoins.
Un bossu descendit de la voiture et prît ses ordres d’une silhouette restée à l’intérieur :
- Vas fidèle Jöllz, tu trouveras dans ce tertre la sépulture d’Horace le Noble ! Veille à ce que tes vauriens ne touchent à rien, ni ne détrousse les vénérables guerriers qui y reposent. Fais vite , que les milices du nonce impérial ne nous surprennent dans cette délicate entreprise.
- Bien Mon Seigneur !
Vociférant quelques ordres, le laquet mît en ordre de bataille une troupe armée de pioches et de pelles dont il prît la tête. Arrivé sur l’autel fissuré du lieu sacré, le bossu pointait de son index une immense dalle recouverte de lichens. Les petites mains écartaient cette porte funéraire pour s’y engouffrer.
Le soleil avait déjà atteint son zénith quand la bande sortit des catacombes. Tous étaient porteurs de longs coffres. Les labours fraichement faits rendaient maladroite la progression jusqu’aux chariots.
Le bossu précédant les autres, s’empressait de faire son compte-rendu à son maître qui se tenait debout le long de la calèche.
- Messire Médard, le corps de votre aïeul a été retrouvé comme vous me l’aviez indiqué.
- Je te félicite Jöllz, tu seras récompensé à la hauteur de ton mérite. Et pour les autres ?
- N’ayez crainte mon seigneur, nous avons fait selon vos désirs. Nous avons empaqueté les deux squelettes. C’est du premier choix, très certainement des disciples de votre ancêtre.
- Bien, bien ! Tu viens de poser la dernière pierre à l’édifice de ma renommée, mon fidèle serviteur. Les débuts ont été laborieux mais tu as su te montrer digne de ma confiance. Oublions la zizanie des premiers instants, je mettrai cela sur le dos de ta fougue et la bêtise de tes hommes. L’important c’est que notre jeu ne puisse être dévoilé qu’à l’ultime oraison et que mon dessein soit encore inconnu des commissaires et autres sbires de la Ligue. … D’ailleurs, je pense baptiser cette franchise de tes exploits brouillons ; « PAGAILLE » qu’en penses-tu Jöllz ?
- Très certainement O Maître, comme bon vous semblera !
- Allons-y, l’heure du casus-belli a sonné, jetons le trouble sur cette compétition.
Le notable remonta dans sa voiture tandis que les serviteurs rangeaient consciencieusement les cercueils dans les chariots bâchés. Le bossu en fît un décompte précis et nota à la craie ce nouveau chargement qui venait compléter d’autres extirpés dont on ne sait quel cimetière.
Dernière édition par Grandtroll le Jeu 7 Jan - 19:30, édité 1 fois