Bon, je me lance : honnêtement je recycle en partie un texte écrit il y a quelques temps pour une petite ligue privée, dans laquelle j'ai joué gobelin puis norse.
Le texte à venir compte 9 épisodes, et relate comment un coach gobelin va être amené à diriger une équipe norse. C'est long à lire, alors faites-le quand vous aurez le temps et l'envie. Et puis les premiers épisodes peuvent dérouter, patience !
Episode I : Nausée
C'était comme une cuite perpétuelle dans un espace-temps non pas infini mais indéfini, et cela était pire. Il découvrait qu'il était possible d'être accablé à ce point, par ses propres organes, et pendant si longtemps. Il sentait que la fonction première de son estomac ne serait plus désormais de digérer, mais de lui donner la nausée. Il ne se souvenait pas d'avoir avalé autre chose que de l'eau depuis... sans doute depuis que le cours de sa vie avait changé, s'il en croyait les vagues souvenirs qui émergeaient entre deux épisodes délirants. Et la simple idée de la nourriture lui soulevait le cœur.
Son palpitant jouait lui aussi trop lentement et trop fort dans cette symphonie nauséeuse de ses organes. Ses intestins débilités donnaient des accents diarrhéiques à un mouvement en flatulences certes libérateur, mais joué sur une tonalité mineure et un tempo lambin choisis apparemment tout exprès, afin que demeurât seulement en lui l'entretien de l'espoir d'un hypothétique mieux-être.
Tout cela n'était rien au regard des sensations que lui procuraient les organes de sa tête, où avait lieu un concerto en compression majeure. En se recroquevillant de manière adéquate, il était parvenu de manière empirique à faire taire à peu près l'orchestre d'en bas. Ou tout au moins il parvenait ainsi à étancher sa conscience : ne subsistait alors qu'un bruit de fond... Or ce silence relatif était lui-même un ennemi, en ce qu'il permettait alors au quintette sensoriel de déployer pleinement et sans distraction sa musique de chambre crânienne. Les cinq sens étaient ainsi les interprètes d'une œuvre dont l'oreille interne, la victime le comprendrait plus tard, était le chef d'orchestre.
L'ensemble de ses sensations écrasaient sa conscience dans un étau, et semblaient flotter dans un entre-deux désespérant. Ses organes sensoriels étaient saturés : c'était comme si le champ d'appréhension de chacun de ses sens était plein, continu, sans ombre. Pas de vide, pas de répit donc. Seulement sa conscience ne parvenait à saisir totalement aucune de ces sensations. Non pas qu'elles s'évanouissent, elles demeuraient bien présentes, simplement elles étaient molles : lorsqu'il tentait d'en attraper une, la main de sa conscience se refermait sur quelque chose de palpable, mais qui se délitait et glissait entre les doigts pour immédiatement se reformer à côté. Il ne trouvait pas à propos de ce phénomène d'expression plus juste que celle de changement de densité de ses sensations.
Palpables mais insaisissables, elles le narguaient. Présentes de manière continue et pour une durée indéterminée, elles le rendaient fou. Il délirait et ses pertes de consciences étaient devenues synonymes de repos.
Ses réveils n'étaient pas brutaux. Il était immédiatement et instinctivement renseigné sur son état interne, aussi à l'exemple de Psyché la première question qu'il se posait était : "Où suis-je ?". Il lui fallait ensuite beaucoup de temps pour se donner les moyens d'y répondre. Il commençait par écouter, mais le maelström constitué par le bourdonnement incessant dans ses oreilles, ainsi que le vacarme d'objets métalliques s'entrechoquant et de bois ployant, était une énigme insoluble pour le trop faible temps de concentration dont il était capable.
Sa peau lui indiquait qu'il n'avait pas froid et qu'il se trouvait sans doute allongé dans un tas de coton ou quelque chose de similaire. Son odorat l'aurait sûrement aidé si une odeur âcre autrement plus forte n'avait saturé l'air ambiant, au point qu'il avait même un goût bizarre dans la bouche. Les quelques mouvements que ses membres tentaient lui apprenaient qu'il n'était pas entravé, mais il se sentait trop faible pour faire autre chose que remuer vaguement un bras ou une jambe. Lorsqu'il parvenait à ouvrir un œil, il ne trouvait qu'un noir d'encre. Souvent il s'évanouissait avant d'avoir eu le temps d'analyser quoi que ce soit.
Il avait parfois l'impression de lueurs ainsi que d'une ou plusieurs présences, et aussi on lui faisait boire de l'eau. Jusque-là il s'était toujours senti trop faible pour essayer de communiquer, et la lumière le blessait même à travers ses paupières closes, si bien qu'il ne se sentait pas le courage de les ouvrir. Il se laissait faire en se disant que le moment n'était pas venu de tenter quelque chose. Il était prisonnier mais il ne se souvenait pas de qui, et il ne savait pas où il était. De toute façon il était trop malade et pour l'instant on le traitait bien. Il fallait attendre.
Il en était arrivé à cette conclusion lorsqu'il fut assailli par un rêve étrange et terrifiant : il était perdu dans un déluge de feu et de sang. Des visages connus passaient avec d'affreux rictus de douleur. Au milieu de mille cris de souffrance une clameur surnageait, qui finissait par devenir une sorte de litanie de plus en plus forte, rapide et rauque : Raide... rhum. Raide... rhum. Raide... rhum. Raide... rhum. Raiiiiide... rhuuuum ! RAIDE RHUM !!! RAIDE RHUM !!! RAIDE RHUM !!! RAIDE RHUM !!!
Boggo le gobbo se réveilla cette fois dans un hurlement de rage, en nage et les yeux exorbités : "PUTAIN JE BOIS JAMAIS DE RHUM ! ALORS JE PEUX PAS PRENDRE UNE CUITE AU RHUM, OK ?!" Devant lui se tenait un enfant à longs cheveux blonds et avec des yeux bleus qui le fixaient durement. Il était armé d'un couteau qui paraissait gigantesque dans sa petite main pâle...
A suivre...
Le texte à venir compte 9 épisodes, et relate comment un coach gobelin va être amené à diriger une équipe norse. C'est long à lire, alors faites-le quand vous aurez le temps et l'envie. Et puis les premiers épisodes peuvent dérouter, patience !
Episode I : Nausée
C'était comme une cuite perpétuelle dans un espace-temps non pas infini mais indéfini, et cela était pire. Il découvrait qu'il était possible d'être accablé à ce point, par ses propres organes, et pendant si longtemps. Il sentait que la fonction première de son estomac ne serait plus désormais de digérer, mais de lui donner la nausée. Il ne se souvenait pas d'avoir avalé autre chose que de l'eau depuis... sans doute depuis que le cours de sa vie avait changé, s'il en croyait les vagues souvenirs qui émergeaient entre deux épisodes délirants. Et la simple idée de la nourriture lui soulevait le cœur.
Son palpitant jouait lui aussi trop lentement et trop fort dans cette symphonie nauséeuse de ses organes. Ses intestins débilités donnaient des accents diarrhéiques à un mouvement en flatulences certes libérateur, mais joué sur une tonalité mineure et un tempo lambin choisis apparemment tout exprès, afin que demeurât seulement en lui l'entretien de l'espoir d'un hypothétique mieux-être.
Tout cela n'était rien au regard des sensations que lui procuraient les organes de sa tête, où avait lieu un concerto en compression majeure. En se recroquevillant de manière adéquate, il était parvenu de manière empirique à faire taire à peu près l'orchestre d'en bas. Ou tout au moins il parvenait ainsi à étancher sa conscience : ne subsistait alors qu'un bruit de fond... Or ce silence relatif était lui-même un ennemi, en ce qu'il permettait alors au quintette sensoriel de déployer pleinement et sans distraction sa musique de chambre crânienne. Les cinq sens étaient ainsi les interprètes d'une œuvre dont l'oreille interne, la victime le comprendrait plus tard, était le chef d'orchestre.
L'ensemble de ses sensations écrasaient sa conscience dans un étau, et semblaient flotter dans un entre-deux désespérant. Ses organes sensoriels étaient saturés : c'était comme si le champ d'appréhension de chacun de ses sens était plein, continu, sans ombre. Pas de vide, pas de répit donc. Seulement sa conscience ne parvenait à saisir totalement aucune de ces sensations. Non pas qu'elles s'évanouissent, elles demeuraient bien présentes, simplement elles étaient molles : lorsqu'il tentait d'en attraper une, la main de sa conscience se refermait sur quelque chose de palpable, mais qui se délitait et glissait entre les doigts pour immédiatement se reformer à côté. Il ne trouvait pas à propos de ce phénomène d'expression plus juste que celle de changement de densité de ses sensations.
Palpables mais insaisissables, elles le narguaient. Présentes de manière continue et pour une durée indéterminée, elles le rendaient fou. Il délirait et ses pertes de consciences étaient devenues synonymes de repos.
Ses réveils n'étaient pas brutaux. Il était immédiatement et instinctivement renseigné sur son état interne, aussi à l'exemple de Psyché la première question qu'il se posait était : "Où suis-je ?". Il lui fallait ensuite beaucoup de temps pour se donner les moyens d'y répondre. Il commençait par écouter, mais le maelström constitué par le bourdonnement incessant dans ses oreilles, ainsi que le vacarme d'objets métalliques s'entrechoquant et de bois ployant, était une énigme insoluble pour le trop faible temps de concentration dont il était capable.
Sa peau lui indiquait qu'il n'avait pas froid et qu'il se trouvait sans doute allongé dans un tas de coton ou quelque chose de similaire. Son odorat l'aurait sûrement aidé si une odeur âcre autrement plus forte n'avait saturé l'air ambiant, au point qu'il avait même un goût bizarre dans la bouche. Les quelques mouvements que ses membres tentaient lui apprenaient qu'il n'était pas entravé, mais il se sentait trop faible pour faire autre chose que remuer vaguement un bras ou une jambe. Lorsqu'il parvenait à ouvrir un œil, il ne trouvait qu'un noir d'encre. Souvent il s'évanouissait avant d'avoir eu le temps d'analyser quoi que ce soit.
Il avait parfois l'impression de lueurs ainsi que d'une ou plusieurs présences, et aussi on lui faisait boire de l'eau. Jusque-là il s'était toujours senti trop faible pour essayer de communiquer, et la lumière le blessait même à travers ses paupières closes, si bien qu'il ne se sentait pas le courage de les ouvrir. Il se laissait faire en se disant que le moment n'était pas venu de tenter quelque chose. Il était prisonnier mais il ne se souvenait pas de qui, et il ne savait pas où il était. De toute façon il était trop malade et pour l'instant on le traitait bien. Il fallait attendre.
Il en était arrivé à cette conclusion lorsqu'il fut assailli par un rêve étrange et terrifiant : il était perdu dans un déluge de feu et de sang. Des visages connus passaient avec d'affreux rictus de douleur. Au milieu de mille cris de souffrance une clameur surnageait, qui finissait par devenir une sorte de litanie de plus en plus forte, rapide et rauque : Raide... rhum. Raide... rhum. Raide... rhum. Raide... rhum. Raiiiiide... rhuuuum ! RAIDE RHUM !!! RAIDE RHUM !!! RAIDE RHUM !!! RAIDE RHUM !!!
Boggo le gobbo se réveilla cette fois dans un hurlement de rage, en nage et les yeux exorbités : "PUTAIN JE BOIS JAMAIS DE RHUM ! ALORS JE PEUX PAS PRENDRE UNE CUITE AU RHUM, OK ?!" Devant lui se tenait un enfant à longs cheveux blonds et avec des yeux bleus qui le fixaient durement. Il était armé d'un couteau qui paraissait gigantesque dans sa petite main pâle...
A suivre...